PNB : les 12 recommandations revisitées - 4 octobre 2018

Version imprimableVersion imprimable
  • Les 12 recommandations pour une diffusion du livre numérique par les bibliothèques publiques approuvées le 8 décembre 2014 par l’interprofession du livre, constituent des références indispensables pour juger de l’évolution de PNB. Il nous est cependant apparu, après plusieurs années de mise en œuvre de PNB, qu’elles nécessitaient d’être revisitées. En effet, elles ne présentent pas toute la même importance : certaines sont cruciales, d’autres sont de moindre importance. Toutes doivent être analysées car parfois des situations qui paraissent avantageuses cachent des problèmes réels : certains  chiffres  vertueux ne rendent en effet pas compte de la réalité. D’autres critères doivent être utilisés avec prudence et modération, leur non-respect n’est pas forcément le signe d’un dysfonctionnement grave. C’est la raison pour laquelle nous proposons un commentaire, article après article de ces recommandations.

    Réseau Carel le fait du point de vue des bibliothèques mais, dans un esprit d’objectivité, nous l’espérons, partagée avec les autres partenaires de PNB.  

     

    1. Intégralité de l’offre

     

    Selon les chiffres communiqués par le Ministère de la Culture et DILICOM, les éditeurs présents dans PNB offrent un nombre de titres représentant 68,16% de leur offre numérique grand public. PNB offre 54,37% des titres de l’offre grand public des éditeurs, qu’ils soient présents ou non dans PNB.

     

    L’offre de livres numériques dans PNB est donc encore très éloignée de l’offre grand public. Cette situation ne s’améliore guère d’année en année : peu d’éditeurs nouveaux. On peut s’interroger sur les raisons qui font que plus de 30% des livres numériques des éditeurs déjà présents dans PNB ne sont toujours pas au catalogue PNB. Les éditeurs avancent des raisons techniques, de droits d’auteurs et le fait que certains titres ne sont pas destinés au grand public. Sont-elles les seules ?

     

    Cependant, il faut opérer certaines distinctions :

    • Parmi les éditeurs participant à PNB, le taux de recouvrement des catalogues numériques grand public et PNB  devrait être important. Au-delà des problèmes évoqués par les éditeurs, y a-t-il une stratégie marketing de la part de certains qui les amènerait à ne pas proposer ce type de livres ? Y a-t-il une prise en compte des demandes spécifiques des bibliothèques qui n’aurait alors jamais été explicitée. Il nous apparaît en tout cas que ces différences entre les offres PNB et grand public sont difficilement justifiables ;
    • Certains éditeurs quoique présents dans PNB et comptabilisés à ce titre, ont des offres qui ne peuvent pas être supportées financièrement par les bibliothèques. La structure de leur offre est inadéquate selon plusieurs paramètres : coût des nouveautés, impossibilité de réaliser des prêts simultanés, licences trop courtes, nombre de jetons trop important pour les achats par les petites bibliothèques. Leur présence est cosmétique et fausse l’appréciation que l’on peut faire du catalogue PNB et en nombre de livres proposés et en nombre d’éditeurs représentés ;
    • Les éditeurs spécifiquement orientés vers la jeunesse sont très peu présents dans PNB alors que le catalogue numérique devrait viser toutes les tranches d’âge ;
    • Certains (petits) éditeurs dont la production est par nature très peu achetée par les bibliothèques, ne sont-ils présents que pour saisir une éventuelle opportunité d’achat rarement concrétisée ? Ces livres gonflent  à leur tour les statistiques sans qu’il soit permis d’avoir une vue exacte des collections utiles.

     

    Cependant, l’estimation exacte de ces écarts nécessiterait de faire un travail statistique à partir de données auxquelles nous n’avons pas accès, les éditeurs les jugeant confidentielles et stratégiques. En conséquence, les chiffres bruts et globaux sont les seuls qui soient exploitables pour l’instant, alors même qu’ils rendent mal compte de la réalité.

     

    Quel travail entreprendre pour amener les éditeurs non présents à proposer leur offre dans PNB ? Le nombre des éditeurs présents semble figé depuis quelques temps. Doit-on considérer qu’il n’y en aura pas d’autres ?

     

    2. Bonne information des libraires

     

    Ce point concerne les libraires et Réseau Carel n’a pas les moyens de vérifier son application. En revanche, les bibliothèques abonnées à PNB ne sont pas toujours bien informées par DILICOM de certains changements de leur offre par les éditeurs, soit parce que les éditeurs n’en informent pas (tous) les libraires, soit parce que les libraires oublient de transmettre ces informations aux bibliothèques clientes.

     

    3. Des métadonnées de qualité

     

    Les métadonnées fournies par DILICOM sur la base des notices distributeurs ne sont pas encore de bonne qualité, notamment du point de vue des classements par genres et par thèmes, conduisant certaines bibliothèques qui le peuvent financièrement à utiliser d’autres sources de métadonnées  pour avoir une bonne qualité de présentation dans leurs catalogues au public et en particulier une bonne cohérence des facettes. Or, on avait laissé espérer aux bibliothèques qu’avec PNB, le travail de catalogage serait réduit à zéro, par rapport aux livres papiers notamment. Des données sur les auteurs que les éditeurs possèdent certainement ne sont par ailleurs pas fournies. Il n’y a pas non plus de classification décimale pourtant bien utile pour les statistiques des documentaires et la comparaison à nos statistiques papier.

     

    4. Interopérabilité des catalogues

     

    L’interopérabilité des métadonnées à l’intérieur de l’offre PNB est globalement réalisée quel que soit le distributeur ou l’éditeur. Il faut toutefois noter que Numilog n’a jamais permis de transférer les titres achetés dans son offre directe aux bibliothèques vers la plateforme de prêt numérique de leurs clients qui se sont ultérieurement abonnés à PNB. Les bibliothèques concernées se sont donc vues obligées soit d’abandonner leur offre Numilog, soit de mettre en place un complexe système d’authentification unique (que ne permettent pas tous les éditeurs de portails), soit enfin de proposer à leurs lecteurs de se connecter et d’interroger deux catalogues après s’être créés deux comptes.

     

    5. Consultation sur place et à distance

     

    La consultation sur place est rendue possible par PNB. Elle est parfois prévue par le logiciel d’exploitation, parfois non. Certaines bibliothèques ne l’ont pas mise en œuvre considérant que l’intérêt d’une bibliothèque numérique est d’abord et avant tout de proposer des livres à distance au bénéfice d’usagers utilisant des supports nomades. Ce critère doit donc être manié avec prudence. Il nous paraît que l’évolution naturelle de PNB est de permettre une lecture nomade. Les supports de lecture nomade sont désormais moins couteux. La question essentielle apparaît comme tenant plutôt à simplifier l’accès distant et nomade. En proposant une DRM plus conviviale (voir point 7).

     

    6. Régulation des accès

     

    L’équilibre entre livres numériques et livres papiers en bibliothèque n’est pas menacé. L’offre de livres numériques représente une toute petite part de l’offre papier et constitue le plus souvent une bibliothèque d’appoint. En l’état du développement de la lecture numérique, cette question ne se pose pas.

     

    7. Les DRM

     

    Les DRM Adobe sont un frein au développement de la lecture numérique. Lors de la première prise en main, l’ouverture du compte Adobe s’avère une source de complexité décourageante pour les usagers. En outre, elle n’est pas compatible avec certains formats epubs et ne permet pas les prolongations qui sont pourtant un usage essentiel en bibliothèques. La perspective d’une évolution vers des solutions plus légères (LCP) est une bonne chose. Il semble cependant que son implémentation prendra encore du temps (compatibilité des interfaces et des supports de lecture). L’ensemble des participants est partie prenante à l’évolution de cette situation. Il existe toutefois des freins importants à cette mise en œuvre (financement, développements informatiques chez les fournisseurs de liseuses et chez les prestataires informatiques des bibliothèques).

     

    8. Handicap

     

    PNB ne favorise pas l’accessibilité pour les usagers, en bibliothèque et à distance, et les bibliothèques qui prévoient des fichiers spécifiques doivent le faire en dehors de PNB. Toutefois l’évolution attendue de PNB avec l’intégration de la DRM LCP pourrait changer la donne, à condition que les fournisseurs de logiciels de lecture suivent…

     

    9. Les statistiques

     

    Le travail de DILICOM, à travers son comité numérique, et le Ministère, à travers l’évaluation annuelle et le récent travail sur les données d’usage de PNB, permettent une vision globale de l’évolution de PNB. Cependant, d’importantes lacunes empêchent d’avoir une juste appréciation de PNB, comme cela a été indiqué dans les commentaires du point 1. Il serait par ailleurs important de pouvoir modifier certains indicateurs pour adopter par exemple le prix au jeton en lieu et place du prix moyen du livre numérique.

     

    10. Rémunération des auteurs et équilibre éditorial

     

    Ce point dépendant d’éléments que seuls les éditeurs et les sociétés d’auteurs possèdent, ne peut pas être apprécié par les bibliothèques.

     

    11. Modèles économiques

     

    Au sein de PNB, le prêt des livres a été soumis à des règles temporaires pendant une période dite d’expérimentation. À la fin de cette période, la tendance générale des éditeurs a été de durcir les conditions appliquées aux bibliothèques, principalement en termes de simultanéité (réduite drastiquement), de prix des jetons (qui ont souvent été revus à la hausse de manière très sensible) et de période d’exercice des droits de prêt. Après négociation, certains éditeurs sont revenus sur les décisions les plus critiquables mais le prix des nouveautés est resté élevé chez de nombreux éditeurs. On ne peut cependant pas parler d’expérimentation partagée, la main étant gardée par les éditeurs. On voit mal, à l’heure actuelle, comment un retour d’expérience des bibliothèques pourrait être pris en compte par les éditeurs pour faire évoluer le système, notamment en faveur des petites et moyennes villes pour qui l’offre est souvent mal adaptée. La simplification du nombre et des types d’offres est sans doute nécessaire pour une meilleure lisibilité du système par les nouveaux entrants. Mais, plus importantes sont les modifications de l’offre pour un meilleur accès des petites bibliothèques à PNB, en particulier la diminution du nombre des jetons par licence. L’offre pérenne sans limite de nombre de prêts ni de durée sur la longue traîne, ainsi que le propose un grand groupe, devrait être généralisée également car les bibliothèques se sentent départies de leur rôle traditionnel de constitution de collections pérennes. Par ailleurs, ces titres de la longue traîne ne font plus l’objet pour les éditeurs d’un enjeu commercial significatif pour la vente au particulier.

     

    12. Stabilité des contrats passés avec les collectivités

     

    La pérennité de l’offre, garantie par DILICOM et les distributeurs est un élément fondamental de PNB. Les bibliothèques doivent avoir la garantie que, même en cas de retrait d’un éditeur de PNB, les droits acquis continueront à pouvoir être exercés normalement. Ces garanties ne peuvent être éprouvées que lors d’une crise, qui n’a heureusement pas eu lieu (retrait d’un éditeur, par exemple) mais il n’y a aucune raison de penser qu’elle ne serait pas exercée. Par ailleurs, le changement de DRM - une fois les problèmes de compatibilité des supports et des systèmes résolus - ne devrait pas être une difficulté étant donné que, contrairement au marché grand public où les DRM initiales accompagnent le livre tout au long de sa vie, dans PNB, la DRM n’est utilisée que le temps du prêt et le reste des stocks de jetons n’est pas lié à telle ou telle DRM.